Jean Dutoya
Il arrive parfois en course landaise de grandes surprises qui mettent en émoi le petit monde coursayre.
En 1969, alors que l'aficion landaise se pâmait d'aise pour les grandes ganaderias qu'étaient Labat, Larrouture-Pabon et Maigret, et commençait à se faire à l'idée que Pussacq et Deyris allaient leur apporter quelque chose de plus et de nouveau, voilà donc que subitement un nouveau ganadero se mit sur les rangs. Jean Dutoya, propriétaire terrien à Buanes et marchand de bestiaux, tauromache connu dans le Tursan, se mit donc en tête de créer une ganaderia sur ses terres. Il habitait Classun, un village proche, et son domicile, qui était aussi l'épicerie et le café du village, était par là-même le rendez-vous des habitants et le lieu favori où l'on commentait les courses du week-end.
Pourquoi cette envie soudaine de créer une ganaderia ?
A vrai dire, Jean Dutoya était passionné par le bétail, et lorsqu'il assistait aux courses c'était surtout pour admirer le comportement des coursières, plus encore que les écarts qui leur étaient dessinés. Il appréciait les bêtes fougueuses, rapides, franches, et il aimait donc voir briller les toreros devant ce type de vaches.
Jean Dutoya avait cette idée en tête depuis longtemps même s'il ne l'avait pas divulguée. Peut-être la venue sur « le marché » de Deyris et de Pussacq l'incita à se déclarer à ce moment-là ? Il décida donc d'acheter une douzaine de coursières dans les manades camarguaises de Fanfonne Guillerme et de Pourquier, des bêtes assez nerveuses, avec un port de tête assez haut, sûrement le premier aspect que Jean Dutoya voulait voir dans une vache de course.
Tout s'accéléra : déclaration à la FFCL, communiqué de presse, et première présentation de la ganaderia à Larrivière en mars 1969. Côté écarteurs, Jean Dutoya s'était entouré de chevronnés, d'anciennes vedettes dirons-nous, tels Jeannot Ducassou, Pierre Saint-Palais et Néné Laffitau. Inutile de dire que la curiosité aidant et cette affiche d'écarteurs attirèrent à Larrivière beaucoup de monde. Et le succès fut au bout… en effet, les bêtes qui sortaient en piste pour la première fois se montrèrent à la hauteur des espérances, rapides, brillantes, fougueuses, et les toreros d'expérience qui étaient en piste purent briller devant un tel bétail.
Tout le monde était ravi. Dans l'esprit de beaucoup, voilà quelqu'un qui allait faire la pige à tous les autres. Suite à cette course et à une telle réussite, Jean Dutoya vit les contrats des comités affluer, et dès la première année, c'est quelque 40 courses semi-formelles qui tombèrent dans l'escarcelle.
Mais voilà, une nouvelle course donnée à Mugron fut à l'inverse de la première. Le bétail ne montra pas les mêmes qualités que précédemment ; mais heureusement les écarteurs, de fins limiers, surent tirer partie de certaines bêtes et se faire applaudir. Jean Dutoya, on peut bien le penser, était assez déçu de ce demi-échec, pensant que l'alimentation trop riche en avoine qu'il avait donnée à ses bêtes pouvait être à l'origine de leur comportement décevant.
Malgré tout, le public, souvent curieux, venait aux courses, et la saison, bien qu'irrégulière, donna des espoirs au ganadero de Classun.
La saison 69 terminée, une nouvelle bombe éclata dans les milieux tauromachiques landais : Jean Dutoya annonça qu'il voulait désormais agir dans la cour des grands et se produire en course formelle. Et c'est dans son village de Classun que le ganadero présenta sa première course formelle comptant pour le challenge Landes-Béarn. Malheureusement la course ne répondit pas aux attentes et ce fut la seule course de challenge que la ganaderia Dutoya donna. Malgré sa passion et son aficion Jean Dutoya se rendit compte que la création d'une ganaderia était une entreprise longue et patiente, un gros travail de sélection. L'exemple de la ganaderia Latapy, bien plus ancienne, suffisait à le démontrer. Tout vient à force de temps et de travail …
Jean Dutoya poursuivit donc ses activités en semi-formelle. En 1971 Il développa sa ganaderia par l'achat de nouvelles coursières, certaines achetées en Camargue, d'autres achetées dans d'autres ganaderias telle Zebra coursière fameuse du ganadero Larrouture. Et il s'entoura d'une cuadrilla où les écarteurs expérimentés tels Ducassou et Saint-Palais encadraient des jeunes d'avenir tels Deyres, Chiquito, Partarieu, Lafargue, Christian Ducournau.
Au bout de quelques saisons, Jean Dutoya poursuivit son activité en association, jusqu'au jour où il décida d'y mettre un terme. Entre temps d'autres étaient arrivés sur la place, tels Michel Darritchon, Marcel Linès…
Jean Dutoya n'est peut-être pas parvenu à l'aboutissement de ses rêves… mais il a contribué à faire rêver beaucoup de tauromaches, il a donné de belles courses dans certaines places, et la course landaise peut lui être reconnaissante de son engagement et de sa passion.