Ganaderia GRAND SOUSSOTTE
Ganadero Paulette Lesbarrères - couleurs rouge et blanc
Pourriez-vous nous faire un petit historique de votre ganaderia ?
La Ganaderia du Grand Soussotte a été créée en 1975 sur notre propriété de Pomarez qui porte ce nom. C’est le lieu principal de notre élevage, mais une partie des bêtes hiverne à Rion des Landes sur 200 hectares de pinèdes. Lorsque cette ganaderia a été créée, je ne pensais jamais arriver au stade où on en est aujourd’hui. Mais quand on rentre dans ce milieu, qu’on met un pied dans la curse landaise, qu’on aime les bêtes, c’est comme quand vous mettez un doigt dans l’engrenage d’une machine puissante, vous vous faites happer la main, puis le bras ; c’est comme une drogue douce, qui fait plaisir, qui n’esquinte pas la santé et dont on ne peut plus se passer. Il faut savoir pourtant que c’est un métier très difficile, où l’on apprend tous les jours, où tous les jours il faut se remettre en question. De plus quand on débute dans ce métier, c’est quelque chose qui fait très mal au portefeuille. Mais avec la passion et le travail on arrive quand même à des résultats.
Vous avez combien de bêtes aujourd’hui ?
Actuellement, nous possédons environ 150 bêtes. Il y a eu beaucoup de naissances, mais aussi des pertes (une vingtaine) cet hiver à cause de la tempête. Mon maître-mot c’est la sélection. On ne peut garder toutes les bêtes, il faut les sélectionner en vue des spectacles de course landaise que nous produisons. Ce qui fait le nom, le renom et le bien-être de la ganaderia, ce sont certaines vaches, qui se confirment être de bonnes vaches dans l’arène par leur gabarit et leur comportement. Nous faisons un nombre important de courses, plus d'une centaine, ce qui nous permet d’essayer beaucoup de bêtes, de les apprécier, et pour moi, il faut une sélection impitoyable pour faire des coursières. Et je pense savoir aujourd’hui sélectionner les bêtes pour la course landaise.
Comment se fait la sélection ?
Lorsqu’on amène une vache à la tienta à l’âge d’environ 30 mois, on a déjà un aperçu des qualités et des défauts de la bête. Une bête qui a été bonne à la cape et qui a les qualités pour faire une bonne vache de ventre en tauromachie espagnole, il y a 9 chances sur 10 qu'elle soit bonne pour la Course Landaise. C’est le mental de la vache et surtout le savoir-faire des personnes qui travaillent à la ganaderia qui compte beaucoup. Il faut comprendre la bête et ne pas la mettre à l’envers de ce qu’on lui demande. En course landaise le teneur de corde y fait beaucoup car on ne doit pas « saquer » la vache, c’est à dire lui casser la tête ou la mettre en travers, on doit juste la guider vers l’homme. Si on la met en travers, à ce moment-là « elle change sa veste d’épaule », elle s’éteint, elle ne va plus se livrer et faire ce que l’on attend d’elle. C’est tout un art dans l’arène de gérer le bétail et il faut compter jusqu'à 8 ou 9 ans pour confirmer une vraie bonne vache de corde. Mais c’est vrai que lorsqu’on a la chance d’acheter des bêtes « limpio » (neuves) en Espagne et les tienter nous-mêmes, on a beaucoup plus de chances de réussir que si on achète des rebus de tienta ; car lorsqu’on achète du déchet, si sur 20 vaches jeunes on arrive à avoir une ou deux vaches de corde, on peut s’estimer heureux.
Sélectionner une bête c’est d’abord voir si la bête est capable ou non ; et quand elle est capable il faut la respecter, l’amener dans l’arène en temps voulu, c’est à dire quand on la sent en forme pour y aller ; et quand elle est dans l’arène il faut lui faire comprendre ce qu’on demande d’elle. Faire une coursière est un art, et cela demande du temps, étape par étape, plusieurs années avant qu’elle ne devienne une vraie coursière. Une vache de combat ne se dresse pas, elle comprend. Et il ne faut pas brusquer ou braquer une bête.
Pour effectuer tout ce travail, vous n’êtes pas tout seul ?
Les tâches sont partagées entre 4 ou 5 personnes. Paulette s’occupe du bureau, des contrats, des travaux administratifs de plus en plus lourds et qui demandent de plus en plus de temps. Les autres tâches sont partagées entre celui qui s’occupe des matériels -nous avons 8 jeux d’arènes homologués-, la personne qui s’occupe de la ganaderia -quelqu’un qui s’intéresse avec passion à ce sport et qui me semble capable en cas de problème de me remplacer-, et moi je m’occupe de ce qui concerne le bétail : le tri, la sélection, les soins, les lots tous les matins lorsque commencent les courses. Faire les lots est quelque chose de primordial. Il faut satisfaire le comité qui nous engage, qui veut du spectacle, et donc choisir le bétail qui correspond à l’attente du comité. Trier c’est 3 à 4h de travail chaque matin à la saison des courses, de bonne heure, à la fraîcheur. Tout doit être terminé à midi. Je fais aussi du relationnel avec les comités des fêtes, ça se passe d’ailleurs très bien. Quand j’ai un rendez-vous avec un comité, il est rare que je rentre sans avoir la confirmation de venir. Et puis il y a Christophe, mon fils, qui s’occupe du chargement, du déchargement. Il a fait ses armes chez Michel Agruna, a appris toutes les taches liées à ce métier : chauffeur, vacher, entraineur… C’est un entraineur qui comprend la vache (et inversement) et c’est une qualité primordiale en course landaise. Comme je le disais avant, il ne brusque pas les vaches
Aujourd’hui, d’un rêve on en a fait une réalité, certes avec des problèmes et des contraintes. Mais avec le noyau, ces 4 ou 5 personnes dont je vous parlais précédemment, j’espère que cette ganaderia continuera après moi. Et puis j’ai un second fils, encore jeune, mais qui s’intéresse à notre activité et qui pourra un jour participer à l’aventure.
Vos espoirs ?
Nos espoirs reposent sur la confiance des comités, sur le travail des toreros en piste, sur les coursières que nous avons sélectionnées comme je vous l’expliquais auparavant, et sur tout le travail que l’équipe réalise. J’ai des équipes avec un rôle bien défini pour les divers spectacles que nous proposons. Je supervise, je donne des directives, je dis les choses clairement, mais toujours avec respect. C’est vrai que parfois je suis désagréable, mais je suis un perfectionniste, je veux que les spectacles donnent satisfaction. J’ai trois règles : le respect du public et des comités, la bonne tenue de la cuadrilla, et un comportement de tous sans reproches. Et si je suis parfois désagréable, personne ne m’en tient rancune car chacun comprend qu’au bout du compte c’est la clé de la réussite. J’aborde confiant une nouvelle saison.
Quel bétail choisissez-vous pour la course de présentation ?
Les coursières sont sélectionnées en vue d’un spectacle brillant, et pour que les toreros puissent se donner à fond. Mais je ne choisis pas des bêtes dangereuses car il y aura une longue saison à assurer et je ne veux pas prendre de risque et de blessure inutile pour la première course. Mais c’est un beau lot que je choisis pour la présentation à Pomarez.