Article Sud-Ouest (16 Août 2019)
La chapelle des arènes de Dax est un passage quasi obligé des toreros avant chaque corrida. Entre tradition et religion, elle est un lieu important de recueillement, mais aussi d’histoire
Elle fait partie intégrante du paysage des arènes de Dax . Chaque année, les festayres passent devant, avant d’aller à la corrida. Souvent, les curistes y entrent, pour contempler. Mais sans forcément la connaître. Pourtant, la chapelle des arènes de Dax, entièrement rénovée il y a dix ans, regorge d’histoire et d’anecdotes .
Au-dessus de sa porte d’entrée, le nom de la chapelle est inscrit, en lettres de fer. « Nuestra Señora de la Esperenza ». En français, « Notre Dame de l’Espérance ». Il s’agit de la vierge des toreros, également appelée la Macarena. Et il suffit de passer une tête à l’intérieur du lieu saint pour découvrir, posée au centre du petit autel, la statue de cette madone. Dans l’oratoire soigneusement aménagé, c’est elle qui attire le regard.
- Un ornement symbolique
« C’est une copie de la Macarena de Séville », explique Christian Coucourron, l’aumônier des arènes. « Elle est ici depuis près de soixante ans, ajoute Jeannette Molas, qui aide à l’entretien de la chapelle. L’hiver, elle est vêtue d’une cape bleu pâle en satin et depuis l’année dernière, pendant la feria, on l’habille d’une cape rouge brodée d’or. » Cette vierge, comme celle de Séville, pleure des larmes de diamants. « Ici, ce sont des faux, assure Jeannette. Celles de Séville sont de vraies pierres, offertes par des toreros ayant survécu à de graves blessures. » Selon la légende, « la Macarena pleure depuis que le matador Joselito est mort, en 1920 ». À ses pieds, sont disposées de petites bougies, allumées le temps de la feria. Sur sa tête, trône une impressionnante couronne dorée, qui s’illumine grâce à un interrupteur.
- "Peu de toreros s’en servent"
Devant l’autel, un prie-Dieu permet aux passants de se recueillir. « Mais il n’y a jamais de messe célébrée dans la chapelle », avoue le père Coucourron. Au mur, au-dessus d’une large bande d’azulejos, huit fers sont fixés et complètent la panoplie exposée dehors, devant les arènes. La prière traditionnelle des toreros y est aussi encadrée, symboliquement. « Peu de toreros s’en servent. Souvent, chacun préfère prier comme il veut », précise Jeannette Molas, veuve de l’ex-président de la commission taurine, Pierre Molas.
- Lieu spirituel et de traditions
Si les festayres ou autres curistes peuvent y entrer et méditer si l’envie leur prend, ils ne sont pas les seuls. La chapelle des arènes est surtout un lieu de prière pour les toreros, qui s’y rendent toujours quelques minutes avant la corrida. « Ils viennent avant d’entrer en piste, à condition d’être seul, raconte le père Coucourron. La corrida est une vraie expérience spirituelle pour eux. Avant de se lancer dans l’arène, ils ont besoin d’être isolés. Ils sont mis à nu, tous se demandent : qui va sortir vivant ? », ajoute-t-il. Entre appréhension, hâte et concentration, les matadors s’enferment donc un moment dans ce lieu, animés d’une « ferveur de dernière minute ».
« C’est un mélange de superstition, de foi, de folklore et de tradition »
Mais ce rituel ne tiendrait pas seulement à la religion de nos combattants et au fait qu’ils veuillent confier leur vie à Dieu. « C’est un mélange de superstition, de foi, de folklore et de tradition », assure Christian Coucourron. C’est, d’après lui, pour se porter bonheur. A contrario, pour ne pas souffrir de malchance, « ils ne veulent pas voir l’aumônier, lui parler ou se confesser juste avant la corrida. Ils ont juste besoin de savoir s’il est là, au cas où, ça les rassure. » Cette figure de l’homme saint est en effet importante chez les toreros.
- Une part de mysticisme
« Aujourd’hui, j’ai tué six toros et six chauves-souris »
L’aumônier se remémore une anecdote à ce propos. « En 1984, le célèbre matador Paquirri a toréé aux arènes de Dax. Avant de commencer, il s’est rendu dans la chapelle. Puis, alors qu’il était dans le callejon, il a essayé de me toucher, de toucher l’homme saint. Ce jour-là, il a tué six toros dans l’arène. Dans sa chambre d’hôtel, au Splendid, il avait, comme presque tous les toreros, installé son petit autel, avec une vierge et des petites lumières. En rentrant, après la corrida, il y a trouvé six chauves-souris, qui avaient été attirées par ces lumières. Avec une serviette de bain, il a réussi à les assommer. Je me rappelle ce que Paquirri m’a dit après : « Aujourd’hui, j’ai tué six toros et six chauves-souris ». Il est mort quelques mois plus tard, dans la petite arène de Pozoblanco au sud de l’Espagne, alors qu’il était en vacances. »